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Un simple feu de bois peut, en silence, transformer un conduit de cheminée en bombe à retardement. À chaque flambée, un dépôt sombre et collant se fixe sur les parois, réduisant le tirage et augmentant le risque d’incendie. Ce dépôt, le bistre, se forme plus ou moins rapidement selon la qualité des bûches, la fréquence d’utilisation et la ventilation du conduit. Sa présence, souvent invisible au premier abord, finit par trahir son existence par une odeur de goudron et un rendement de chauffage en baisse. Les propriétaires de cheminées doivent connaître les mécanismes de sa formation pour adapter leur entretien et limiter les dangers.
Processus de formation du bistre dans un conduit
Le bistre se crée lorsque la vapeur d’eau issue de la combustion rencontre des parois froides, se mélange à la suie et se transforme en un dépôt goudronneux.
Cette matière dense adhère au conduit, s’épaississant à mesure que la cheminée fonctionne, particulièrement lorsque les fumées circulent lentement ou que l’air manque dans le foyer.
Facteurs qui accélèrent ou freinent le dépôt de bistre
Plusieurs paramètres liés à l’humidité du bois, à la qualité du tirage et à la température de combustion influencent la rapidité avec laquelle le bistre s’accumule dans une cheminée.
Type de bois et combustion
La teneur en humidité des bûches influence directement la vitesse de formation du bistre. Un bois humide libère plus de vapeur, qui, combinée aux particules de suie, se condense rapidement sur les parois.
- Bois résineux (pin, sapin) : chargés en sève, ils favorisent le goudronnage
- Bois feuillus (chêne, hêtre) : assurent une combustion plus complète
- Bûches mal séchées : accentuent la densité des fumées
- Utiliser un bois sec (< 20 % d’humidité) permet de limiter ces dépôts
Tirage et ventilation
Un tirage insuffisant provoque le refroidissement des fumées avant leur expulsion, créant des conditions idéales pour le dépôt de bistre.
La ventilation du logement et l’aération du foyer influencent directement ce phénomène, tout comme l’absence d’un tubage efficace. Il faut donc suivre les règles strictes de fonctionnement d’une cheminée afin d’éviter un incendie chez soi.
Fréquence d’utilisation et ramonage
Une cheminée utilisée quotidiennement accumule le bistre plus rapidement qu’un conduit employé occasionnellement.
Le ramonage d’une cheminée permet de réduire l’épaisseur de ce dépôt, évitant qu’il ne devienne un obstacle à l’évacuation des fumées. Pour savoir quand ramoner votre cheminée, vous devez suivre les conseils des experts qui préconisent au moins une fois par an.
Température des fumées
Une combustion à basse température, souvent inférieure à 250 °C, laisse persister des gaz imbrûlés qui se condensent sur les parois.
Un foyer fonctionnant à faible puissance ou alimenté avec des bûches humides accentue cette condensation.
Voici la durée de formation du bistre selon les pratiques :
Facteur | Conditions | Temps de formation |
---|---|---|
Bois humide | Bûches > 20 % humidité | 2 à 4 semaines |
Bois sec | Bûches < 20 % humidité | 3 à 6 mois |
Utilisation | Quotidienne | 2 à 4 semaines |
Utilisation | Occasionnelle | 2 à 12 mois |
Ramonage | Conduit non entretenu | 2 à 4 mois |
Ramonage | Conduit entretenu | 6 à 12 mois |
Isolation | Conduit non isolé | 2 à 6 mois |
Isolation | Conduit isolé | 6 à 12 mois |
Tirage | Faible | 1 à 3 mois |
Tirage | Optimal | 6 à 12 mois |
Type de bois | Résineux | 2 à 4 mois |
Type de bois | Feuillus | 6 à 12 mois |
Vitesse d’apparition du bistre
Le recours à du bois humide et un tirage faible entraînent la création de bistre en quelques semaines : moins de 3 mois, souvent accompagnée d’une odeur de goudron et d’une diminution de l’efficacité de la cheminée.
Avec un bois sec mais un tirage imparfait, le dépôt se forme de manière régulière, entraînant une obstruction partielle du conduit et une évacuation des gaz moins fluide. Cela prend entre 3 et 6 mois.
Des conditions optimales, incluant une combustion vive avec du bois sec et un conduit entretenu, permettent de ralentir la formation de bistre, laissant au moins 6 mois avant qu’un débistrage soit nécessaire.
Conséquences d’un conduit bistré non entretenu
Le bistre, hautement inflammable, peut s’enflammer à plus de 500 °C, atteignant 1000 °C en cas de feu de conduit, provoquant des sinistres graves et détruisant l’installation.
L’obstruction progressive du conduit entraîne un refoulement des fumées et du monoxyde de carbone, gaz mortel et inodore, à l’origine de malaises, de nausées et d’intoxications sévères pouvant toucher les occupants. Un conduit bistré mal entretenu devient ainsi un risque silencieux dans le foyer.
Types de cheminées les plus concernées par le bistre
Le bistre peut se former dans tout type de cheminée ou de poêle à bois, mais certains systèmes sont plus sensibles à ce problème. Les cheminées traditionnelles ouvertes sont moins affectées car elles permettent une meilleure circulation de l’air, mais cela ne les rend pas exemptes de danger.
Les cheminées à foyer fermé et les poêles à bois modernes sont souvent plus touchés, car leur fonctionnement repose sur des combustions lentes et à basse température, créant ainsi des conditions favorables à la condensation des gaz et à la formation de bistre.
Les conduits en inox ou en métal, courants dans les installations modernes, peuvent également refroidir plus rapidement que les conduits en maçonnerie, ce qui favorise le dépôt de bistre.
Conseils du pro : anticiper le bistrage et préserver votre installation
Une astuce rare est de réaliser un feu de décrassage hebdomadaire en montant la cheminée à sa température de régime (environ 350 °C mesurés dans le conduit avec un thermomètre magnétique) pendant 15 à 20 minutes aide à brûler les résidus de goudron léger avant qu’ils ne se compactent en bistre épais.
Cette pratique, issue des recommandations de Poujoulat France et de retours d’artisans ramoneurs, réduit de manière notable l’apparition de couches épaisses de goudron dans le tubage.
Afin d’optimiser le tirage : installez un régulateur de tirage (appelé aussi modérateur de tirage) permettant de stabiliser la dépression dans le conduit aux valeurs optimales préconisées par le fabricant de votre poêle ou insert (généralement entre 10 et 20 Pa). Cette optimisation réduit les fumées froides stagnantes tout en économisant le bois.
Surveiller l’hygrométrie du bois : un bois affichant 15 à 18 % d’humidité est idéal. Utilisez un humidimètre digital avant de stocker vos bûches, en vous assurant qu’elles ont été séchées en extérieur sous abri ventilé pendant au moins 18 mois.
Conseil pratique applicable immédiatement
Le test du tirage à la feuille est à faire avant chaque utilisation. Vous approchez une feuille de papier journal enflammée à l’entrée du foyer porte ouverte : si la flamme est aspirée franchement vers le haut, le tirage est correct.
Si la flamme vacille ou est repoussée, attendez quelques minutes ou réalisez un préchauffage du conduit avec une allumette ou un brûleur à gaz long avant d’allumer le feu principal.
Lexique
- Bistre : dépôt noirâtre, collant et inflammable se formant sur les parois des conduits de fumée lorsque la vapeur d’eau se condense et se mélange à la suie
- Créosote : substance goudronneuse issue de la combustion incomplète du bois, précurseur du bistre lorsqu’elle se refroidit sur les parois
- Tirage : force avec laquelle l’air et les fumées sont aspirés dans le conduit d’évacuation, influençant la qualité de combustion et la température interne du conduit
- CTIF : Centre technique industriel de la fonderie, organisme d’étude et de recherche sur les matériaux utilisés dans les installations de chauffage
- Pare-étincelles : grille ou chapeau installé en tête de conduit pour éviter les projections incandescentes
- By-pass : dispositif permettant de court-circuiter momentanément le circuit des fumées dans un poêle ou un insert pour accélérer le chauffage du conduit
- Humidimètre : appareil de mesure permettant de vérifier le taux d’humidité résiduelle dans le bois de chauffage
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